Maisons de Madagascar



La maison à l’ère du « m’as-tu vu »


L’histoire entre l’homme et sa maison date d’une éternité. Il a connu plusieurs formes de maisons qui étaient tout d’abord l’abri, fait de peau d’animaux, de branches et de feuilles ou encore de boue, selon la région occupée. Sinon, il y en avait qui sont carrément juchés en haut d’un arbre pour parer à toute attaque de prédateurs ou d’ennemis. Là, on est en présence de la maison protectrice. Mais avec le temps, l’homme a combiné toutes les contraintes : la contrainte météorologique, la contrainte sécuritaire, mais surtout, et c’est venu avec les mœurs des temps modernes, la contrainte sociale. Cette dernière est actuellement arrivée à son apogée car nous assistons à une vague de pensée commune qui tend à penser dans le même sens : « Dis-moi où tu habites et je te dirai qui tu es ».

Les possibilités technologiques actuelles ont libéré la création chez les architectes et ont permis toutes formes de création. Les combinaisons sont désormais infinies et les propriétaires se mêlent a la création en amont car le va-et-vient entre les esquisses du concepteur et les désidératas du propriétaire peut être opéré quasi indéfiniment jusqu'à ce que les deux parties conviennent à une forme finale du projet.

Résultat, les villes sont remplies de ces maisons et immeubles où on peut lire les touches personnelles des propriétaires, des désirs longtemps enfouis dans chacun d’eux et qui sortent au grand jour pour marquer cette présence personnelle. Avant, on vivait caché, discret dans le home sweet home. Maintenant, on se montre, on montre ce qu’on est, ce qu’on possède. Rien qu’à voir les voitures d’aujourd’hui, les vêtements qu’on porte maintenant. Se cacher est ringard, suspect. Se montrer est devenu une forme d’existence qui conditionne notre rapport avec la société. Il nous faut choisir un mode vie d’après les standards actuels, comme on choisit une couleur d’appartenance, et le montrer à tout le monde pour se positionner tel dans un jeu de rôle où celui qui ne se prononce pas, ou ne se positionne pas, ne joue pas.

D’où la sortie de terre de plusieurs types de maisons où les couleurs jouent un rôle identitaire prononcé, où les formes sont surtout reconnaissables par la taille plutôt que par l’architecture. Avant, on peignait les façades dans des couleurs douces, un camaïeu qui repose le regard dans une quiétude loin des tumultes de la ville. Aujourd’hui, nous sommes sortis de cette tranquillité, de ce confort comme pour lancer un cri a la société : couleurs acides et criardes, fenêtres et baies ouvertes sur la rue, verticalité accrue pour contrôler les mouvements des voisins, mise en scène de la sortie du garage pour être vu par les passants et voisins, … Ces résultats ne font pas forcement partie des bons gouts de nos parents. Tant pis, on ne construit plus pour bien vivre ni pour le passé, on projette loin vers le futur, vers l’avenir où rien n’est joué d’avance, où tout est question et la réponse dépend de chacun, de celui qui crie le plus fort.

Aujourd’hui, on ose le mélange, le mélange qui relevait avant du mauvais gout. Fini les maisons de style et les définitions savantes des architectes pour classer les lignes architecturales directrices des plans qu’ils sont chargés de dresser. Ce sont les propriétaires qui définissent les plans et l’architecte est réduit au rôle de « traducteur » de rêves. Ce n’est pas foncièrement mauvais pour la création architecturale, loin de là. Cette nouvelle donne fera forcément bouger les choses chez les concepteurs qui se sont longtemps enfermés dans un carcan d’élites et d’initiés, réputés éloignés de la réalité des sociétés contemporaines.

Mais comme nous le savons tous, la création aime le mouvement, aussi déséquilibré soit il, c’est le signe que chacun se cherche, qu’il y a encore de la vie dans chaque création.